vendredi 1 avril 2016

Cette année, Alice fête ses 150 ans.

S'il y a bien un conte mis à l'honneur en cette année 2016, c'est Alice in Wonderland. Les expositions, livres-hommages, dessins, clins d'œils et événements se succèdent, de quoi lui souhaiter dignement un joyeux non-anniversaire, qui était apparemment attendu au tournant.

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Lewis Carroll, artiste photographe de son état, amusa le temps d'un été trois de ses "amies-enfant" avec l'histoire abracadabrante d'une petite fille tombée dans un terrier à la recherche d'un lapin. Suite aux caprices de l'aînée des fillettes, prénommée Alice, Lewis décida de lui fabriquer un livre qu'il relia, calligraphia et illustra lui-même tout à la main, offrant à sa jeune "amie" le premier et original Alice in Wonderland

Pour l'occasion, je vous ai également concocté cet article, ayant revu le film d'animation il y a quelques jours. Je dois dire que revoir aujourd'hui cette version m'a encore fait un tout drôle d'effet, même si je la connais quasiment par coeur, donnant l'étrange impression d'assister à un spectacle totalement frappadingue et surtout, à un monument tout entier voué à la défonce. Volontairement ou non (mais je pense que oui), le film regorge d'éléments rappelant la culture weed (c'est d'ailleurs sous ce terme qu'Alice se voit insultée par les fleurs surexcitées dans la version originale, si mes souvenirs sont bons). Ne pouvant pas vraiment retranscrire les messages subliminaux et politiques de l'oeuvre, Disney, en mixant un peu le Pays des merveilles et De l'autre côté du miroir, fait donc le choix de traduire la folie ambiante et pleine de non-sens de Lewis Carroll par une succession de personnages totalement hallucinés. Je comprends désormais pourquoi ce dessin animé était mon préféré étant gamine ... Dans Alice, il n'y a d'ailleurs ni gentils ni méchants, ce qui bouleverse beaucoup les grandes traditions des studios d'animation pour enfants (et c'est tant mieux). Dans un monde où tout le monde semble à première vue agréable et ouvert, Alice apprendra à se méfier de ces rencontres pourtant dangereuses. En effet, le Dodo la laisse se noyer sans même y faire attention, dans une scène de danse macabre malsaine. Le Lapin blanc, égoïste et surexcité, décide de brûler sa maison pour y cramer Alice devenue géante et coincée à l'intérieur. Le chapelier fou et le Lièvre de Mars finissent par la chasser en l'insultant. Le chien-balais, à première vue si inoffensif, perd Alice dans les bois sans faire attention un seul instant à sa détresse. La chenille au Narguilé l'agresse et la repousse, les fleurs se ruent sur elle pour l'étriper en la prenant pour du chiendent, et on lui raconte la fable des gentilles petites huîtres dévorées toutes crues par un morse. Or, si les cartes qui peignent les roses en rouge sont sensibles à la gentillesse de la jeune fille, elles finissent décapitées. Quand à la Reine, elle n'a pour seul but que de ridiculiser Alice puis de la faire exécuter. Voilà voilà. Chacun est finalement montré sous un jour angoissant et effrayant, à la fois amical et agressif. Alice tente désespérément de s'accrocher à ses bonnes manières et à son éducation, mais ce n'est pas toujours suffisant pour survivre.

Et les illustrateurs, dans tout ça, quel regard portent-ils sur ce conte ? En voici deux versions, l'une de Benjamin Lacombe, qui vient de sortir une magnifique édition, et l'autre de Rebecca Dautremer, illustratrice d'un album datant de 2010. Je vous invite à lire leur interview sur le site du Salon du Livre de Montreuil, ils y expliquent avec beaucoup de précision leur interprétation différente.



Pour le peu que j'en ai vu, les illustrations de Benjamin Lacombe ne sont pas sans rappeler ce côté sous LSD propre au film d'animation : Alice est ici une jeune fille pâle, mi-innocente mi-provocante, traînant avec elle un Monsieur Lapin aux yeux injectés de sang. J'espère me le procurer très prochainement, ayant déjà un très bon souvenir des Contes Macabres qu'il avait illustré il y a quelques années.

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Une chose est sûre : quelle qu'en soit l'interprétation et l'idée qu'on en aie, Alice n'a pas fini d'étonner, de fasciner et de faire parler d'elle, encore un siècle et demi après.