lundi 7 décembre 2015

Point cinoche : "Un homme idéal", de Yann Gozlan.

Cela faisait un petit moment que j'attendais avec impatience de voir ce film, pour deux raisons. D'une part, je trouve que Pierre Niney est un excellent acteur, c'est pour moi le nouvel espoir du cinéma français (qui est quand même pas mal en déclin depuis quelques années, il faut bien le dire). Il est tout simplement bluffant, il n'a que 26 ans et un talent que beaucoup peuvent lui envier. Et d'autre part, la bande annonce et le synopsis : typiquement le genre de films que j'adore, et qui fait écho aux "phobies de l'écrivain" dont je suis très friande chez Stephen King (et qui reviennent de nombreuses fois dans Misery, Shining, La part des ténèbres et Fenêtre Secrète, par exemple). Il n'y avait donc pas de raison que cette histoire me déplaise. Et effectivement, je n'ai pas vu le temps passer, ça faisait assez longtemps que je n'avais pas été autant transportée par une production française. Je n'avais qu'une envie, c'était de le revoir, et c'est chose faite depuis ce week-end, raison pour laquelle je dépoussière un peu cet article pour le remettre au goût du jour.

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Mais venons en à nos moutons : ça va spoiler, vous êtes prévenus. Pour résumer, Mathieu Vasseur a des rêves de gloire, mais pas le talent suffisant pour l'assouvir, d'après ce qu'en pensent les maisons d'édition auxquelles il envoie son manuscrit intitulé L'homme de dos. Après un énième refus, il trouve alors le journal d'un soldat de la guerre d'Algérie, et ne peut s'empêcher de s'emparer du manuscrit. Ayant tout de même quelques hésitations éthiques (je pense), il le retranscrit mot pour mot en ne changeant que deux choses : le titre (tout de même volé à l'auteur dans l'une de ses notes), et le nom de l'auteur lui-même. Son rêve prend enfin forme, il réussit à mettre son petit nom de rien du tout sur un récit magistral qui régale les critiques et les lecteurs anonymes. C'est le succès imminent. Oui, mais voilà, l'imposture a un prix. On peut difficilement écrire la guerre comme si on y était quand on n'y était pas : Mathieu fait donc des recherches pour maintenir le cap et donner de nombreuses interviews. Il ira même jusqu'à voler les propos d'auteurs célèbres sur leurs motivations à écrire. En quelque sorte, il se remplira des autres, lui qui n'est que coquille vide (du moins, le croit-il).

Pierre Niney, lors de l'avant-première du film à Paris, a jugé que le film était "à la fois dark et solaire". Les images sont clairement très réussies, la réalisation excellente et le casting à tomber par terre, ce qui fait qu'on pardonne les quelques passages bancals qui manquent parfois un peu de crédibilité. Comment croire qu'un meurtre accidentel puisse ne pas finir par se remarquer dans une villa, tout comme la mise en scène de sa propre mort qui ne semble suspectée par personne, alors qu'il brûle sa voiture au kérosène, en oubliant que seules les empreintes dentaires sont récupérables sur le corps calciné ? C'est le principal et le seul écueil de ce film, qui fait l'impasse sur une question non élucidée. 

Pour le coup, la mise en scène de sa propre mort, voilà une chose un peu piquée à Stephen King d'ailleurs, à qui le réalisateur fait un clin d’œil en début de film (Mathieu a placardé chez lui une citation de King qui conseille aux auteurs d'écrire 2500 caractères par jour, extraite d'Ecriture, mémoires d'un métier.) 



Dans La Part des ténèbres, Stephen King, obsédé par les paranoïas d'écrivains comme je le disais plus haut, dressait le portrait d'un auteur qui publiait sous son vrai nom des romans intellectuels peu lus, et sous un nom d'emprunt des romans sanglants devenus des best-sellers. Pour se "débarrasser" de l'auteur à succès, il organise un enterrement factice. La tombe est alors profanée, ou plutôt creusée de l'intérieur. Après une série de meurtres, l'écrivain se rend compte qu'il est poursuivi par son double. Mathieu Vasseur, lui, est poursuivi par ses démons, qui lui rappellent sans cesse son imposture et ses crimes. Les hallucinations sont intéressantes mais ne vont pas assez loin à mon goût, elles auraient pu donner une consistance supplémentaire à ce personnage complexe. Chez King, le héros finit de deux manières : la mort ou la folie. Ce n'est pas le cas ici, quand un suicide eût été le plus logique. Le choix final offre une autre alternative plus surprenante, mais c'est un parti pris qui se respecte plutôt bien, et qui donne naissance à la scène la plus bouleversante du film, qui m'a littéralement atomisée les deux fois. Même s'il obtient ce qu'il désirait plus que tout au monde, à savoir être publié, il devient complètement dépossédé de son identité (l'arroseur arrosé ?) et perd ce qu'il a de plus important au monde, à savoir non pas l'écriture, mais sa compagne et sa perspective d'avoir une famille à lui. Je me rappelle que cette scène m'avait fait fondre en larmes au cinéma, et c'est un privilège rare, très rare.

Pendant toute la durée du film, j'ai eu des coups de flippe à l'idée que Mathieu se fasse démasquer (mais tout était orchestré à la seconde près pour que ce ne soit pas le cas, ce qui est finalement un peu dommage), c'est un personnage réellement attachant selon moi. Certes, c'est un imposteur, un manipulateur également en quelque sorte, mais c'est aussi et surtout un jeune homme en quête d'identité et de reconnaissance, désespéré de ne pas parvenir à vivre de sa passion. Tout ce qu'il voulait, c'était vivre son rêve, sans chercher plus loin. La principale force du film est cette possibilité de s'identifier très facilement au personnage, qui n'est finalement pas un tyran, ni même un méchant garçon au sens propre, il a ses failles comme tout le monde, ni plus ni moins. Ce film est une belle analyse de l'ambition, de la soif de célébrité et des extrêmes dans lequel l'être humain peut tomber pour arriver à ses fins. La scène qui m'a marquée est celle où il se tient face aux trois miroirs de sa salle de bain, devant lesquels il s'exerce à devenir l'écrivain qu'il n'est pas, peaufinant ses discours pour les interviews futures. Je la trouve totalement splendide, c'est là qu'on comprend véritablement que Mathieu est en train de basculer dans un avenir qu'il ne maîtrise plus du tout, et l'image pour l'illustrer est très bien choisie.

En y réfléchissant hier soir avant de m'endormir (on fait ce qu'on peut pour éviter le sommeil, parfois), je me suis demandée si tout ce qui arrivait à Mathieu était réel, ou si l'ensemble de l'histoire sortait justement de son imagination d'écrivain en devenir, et donc du roman qu'il était en train d'écrire. Mais j'avoue que cette hypothèse est quand même bien tirée par les cheveux. 

En somme, Un Homme idéal est un très bon film, convaincant grâce à la finesse et à l'élégance de Pierre Niney principalement, qui pourrait réciter le bottin tout en le rendant complètement captivant. Je suis à chaque fois subjuguée par la puissance avec laquelle il incarne toute une palette d'émotions contradictoires et intenses (comme c'était également le cas dans Yves Saint Laurent, dont je vous avais fait pas mal d'éloges, et Vingt ans d'écart, que je souhaite aussi revisionner prochainement). En attendant avec impatience de le revoir dans un prochain rôle, où je risquerais encore de ne pas être déçue.



dimanche 15 novembre 2015

Tatouage : phase de cicatrisation et verdict trois mois après.

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Précédemment, j'ai écrit un article concernant ma phase de recherche de motif et de tatoueur, en racontant par le menu détail ma séance de pique-pique. Aujourd'hui, cela fait désormais presque trois mois que je suis tatouée. Personne n'ignore qu'entre-temps, je suis passée par la phase de cicatrisation. Cela évoque tout de suite quelque chose en vous : démangeaisons insoutenables, envie de se gratter, mais comme on le signale partout en rouge, en gras, en surligné avec des panneaux clignotants, vous devez vous contenir car c'est INTERDIT ! "L'après serait-il pire que le pendant ?", vous demanderez-vous. Pour ma part, ça n'a pas été le cas, aussi je vais vous raconter mon expérience.

Après la séance de tatouage, je suis rentrée avec l'épaule plastifiée de cellophane. Je l'ai enlevé une demi-journée plus tard, toute excitée à l'idée d'admirer le résultat et bien énervée par mon allergie à ce type de pansements qui menaçait déjà de se réveiller. Des points de sang étaient visibles, j'étais finalement un peu fière : j'avais surmonté la douleur, mais une nouvelle étape m'attendait, celle de la fameuse cicatrisation. Etrangement, c'est mon entourage qui la redoutait, plus que moi : "Tu vas être insupportable ! Déjà quand t'as une piqûre de moustique tu peux pas de retenir de te gratter jusqu'au sang. Mais là, va pas falloir gratter ! Alors tu vas te plaindre et tu vas être chiante." Eh oh, qui c'est qui a des couilles ici ? Bon OK, pas moi, mais après ce que je venais d'endurer, j'étais une dure, une vraie de vraie (dixit la madame qui pigne devant une araignée de deux millimètres). Ne serait-ce qu'effleurer mon omoplate me procurait une sensation désagréable, presque électrique, la peau étant encore à vif. Mais contrairement ce que craignait tout le monde, je ne m'en plaignais pas. En revanche, je faisais très attention à ce que mon dos entre en contact avec le moins de choses possibles, par peur d'enlever la couleur ou que le tissu puisse décoller ma peau. Parait-il que j'ai trop d'imagination, ça arrive.

Deux à trois fois par jours, je mettais de la crème, mais pas n'importe laquelle ! J'ai pu avoir la chance (ou pas) de me faire attendre à la sortie du salon pour acheter la crème Easy Tattoo, fabrique travaillant en partenariat avec mon salon de tatouage. Douze euros plus tard (pour le pot en format moyen), j'avais la vague impression de m'être fait joliment arnaquer, une simple Biaphine pouvant largement faire l'affaire (la prochaine fois, vous penserez à moi quand on vous le proposera après la séance). Ceci dit, il sentait bon et m'a fait du bien, que demande donc de plus le peuple ? Je ne sais pas si c'est grâce au baume, mais je n'ai d'ailleurs ressenti aucune démangeaison. Bon d'accord, deux fois, mais ça restait largement supportable. Vous avez vu, je ne suis pas une douillette, moi.

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En revanche, lors de la visite de contrôle un mois et demi après, j'ai du subir une deuxième colorisation complète, la couleur n'ayant pas vraiment voulu s'accrocher très fort à ma peau. C'était clairement disgracieux, les différentes teintes étant déjà fades et parsemées de vides. Je craignais que mon épiderme ne supporte pas une autre fois l'épreuve, mais finalement tout est rapidement rentré dans l'ordre. Ma tatoueuse m'a dit qu'il était probable que ma peau manque d'hydratation, je pense que je n'étalais pas assez la crème, elle devait rester trop longtemps en surface. Vous l'aurez compris : ne faites pas comme moi, ce n'est pas du Nutella qu'on tartine sur une tranche de pain. Se faire piquer, ce n'est pas vraiment comparable à une séance de massage, alors autant éviter de renouveler l'expérience pour le même tatouage, non ? Enfin le principal, c'est qu'il soit maintenant tout beau, tout neuf et éclatant. Constat : très bonne cicatrisation, aucun problème. Contrairement aux premiers jours, je ne suis plus en train de le regarder toutes les demi-heures. A vrai dire, je n'y fais même plus trop attention. Je sais qu'il est là, et c'est tout. De temps en temps, ça me prend, je prends quelques nouvelles du genre : "Bonjour toi ! Ça faisait longtemps, qu'est-ce que tu deviens ?". Je m'extasie devant quelques minutes en me contorsionnant dans tous les sens, et puis je le laisse tranquille. Vous l'aurez compris, je ne regrette nullement mon choix et il fait déjà partie intégrante de moi.

Un prochain tatouage ? Si je devais en faire un autre ce serait l'épaule entière, mais ça ne sera probablement pas pour tout de suite, d'autant que tout le monde semble vouloir me renier si je mets mon projet à exécution. Et puis, j'ai besoin de profiter déjà du premier comme il se doit (et de mes sous, parce que mine de rien, ça coûte un bras ces trucs là, sans mauvais jeux de mots).

Et si vous voulez aller jeter un œil aux travaux formidables de ma gentille tortionnaire, c'est par là : Feeble Sister (Mymy's Art). Difficile de ne pas se laisser tenter, n'est-ce pas ?


Misery

lundi 26 octobre 2015

Hannibal, ce léger risque d'indigestion.

Voilà, chers lecteurs et lectrices, il y avait déjà quelques semaines que ce nouvel article faisait son chemin sans que je ne le concrétise, ce qui est désormais chose faite. (D'ailleurs, lorsque vous prononcez le mot "lecteur", cela ne vous fait jamais penser à "Lecter", vous ? Non ? Euh d'accord, très bien, passons.) Il est clair que je m'attendais à tout autre chose de cette série s'inspirant de Dragon Rouge, le premier volet des aventures d'Hannibal, et à l'heure actuelle je ne sais toujours pas quoi en penser concrètement. Pourtant, le menu que proposait le célèbre psychiatre cannibale avait tout pour être alléchant. Du moins, au premier coup d'oeil.

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Le nom du personnage phare, Hannibal Lecter, donne en lui-même envie, tant il reste associé à l'un des plus charismatiques méchants de l'histoire du cinéma. Pour mettre encore plus l'eau à la bouche, on rajoute le nom de Mads Mikkelsen en tant qu'interprète. Un acteur au charisme phénoménal dans la peau d'un personnage au charisme phénoménal. On tient là une équipe qui gagne. Pourtant, dès que je suis rentrée un peu plus dans le vif du sujet, je me suis aperçue bien vite que les mérites de cette série étaient loin d'avoir sur moi l'effet escompté. Dès les premiers épisodes, le scénario va tâtonner, chercher son terrain, brouiller les pistes pour nous tenir en haleine. Ce qui donne une première saison vraiment très inégale, qui se contentera pendant de nombreux épisodes de plusieurs meurtres et leur résolution (ou non), et de l'avancement d'une enquête. On oscille alors entre une intrigue qui sert de fil rouge (Le Chesapeake Ripper), et d'autres petites histoires qui aliment d'autres petits épisodes et ne feront rien avancer du tout. Le problème, c'est que si j'ai commencé par m'intéresser un peu à tous les éléments au début, j'ai rapidement fini par ne m'intéresser qu'aux intrigues étant directement liées à Hannibal Lecter. Puisque c'est lui notre personnage principal, lui que nous voulons suivre, apprendre à redécouvrir via cette préquelle, lui que le titre même de la série nous vante. Après tout, c'était ça que nous avait promis la production ! Pour moi, on s'inscrit donc très clairement dans du remplissage la moitié du temps. Pire, les intrigues proposées sont souvent tirées par les cheveux et sont donc assez peu crédibles, ce qui m'amène à les regarder d'un oeil distrait, sans vraiment les voir, attendant impatiemment de passer à l'épisode suivant. Et ainsi de suite. Les redites sont nombreuses, Hugh Dancy campe un Graham assez exceptionnel mais, c'est là tout le souci, volant la vedette à ce qui était mis en avant par les scénaristes : Hannibal made in Mikkelsen. A tel point que je me suis parfois demandé ce qu'il faisait là. Par moment, le charme reprend, avec une réplique bien sentie ou une scène le mettant enfin en avant, mais ce n'est que peu. Au terme de ce huitième épisode, la série semble légèrement s'axer sur la relation entre Hannibal et Will Graham, mais bien trop timidement à mon goût : c'est là le cœur de la série, et quand l'intrigue se fixera dessus (si elle s'y fixe un jour) on pourrait bien avoir des scènes très mémorables. Mais ce n'est pas encore ça.

Cela dit, je dois bien reconnaître que l'atmosphère glauque au possible est largement réussie. L'ambiance visuelle et sonore est absolument magnifique. 

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Malheureusement, l'esthétique est d'ailleurs le seul vrai gage de qualité de l'ensemble des épisodes, ce qui est en soi un peu pâlot à la longue. C'est beau, léché, soigné, pervers, mais aussi parfois vide et inutile, surtout lorsqu'il s'agit d'empiler un psychopathe et deux ou trois scènes gratuitement gores par épisode, je n'en vois absolument pas l'intérêt. La simplicité n'a parfois pas que des désavantages (cf ce que je vous racontais à propos de The Mentalist), et l'esthétisme ne peut pas tout rattraper d'un coup de baguette magique. Au vu de mes attentes, Hannibal est donc une grosse déception pour moi. Je suis d'ailleurs loin d'être certaine que je jetterai un oeil à la seconde saison, même par curiosité.

lundi 12 octobre 2015

Le fameux concert du fameux Hubert-Félix Thiéfaine.

Pour ceux qui me suivent depuis l'époque de mon ancien blog, vous n'êtes pas sans savoir que je voue un quasi-culte à Hubert-Félix Thiéfaine et à ses morceaux tantôt agressifs, tantôt mélancoliques, souvent teintés d'humour noir ou déjanté. Cela faisait désormais presque cinq ans que je souhaitais assister à une de ses représentations sur scène, bavant devant les nombreux extraits de concerts que j'avais pu en voir, me faisant la réflexion que ça devait quand même bien déchirer en direct. Et puis, le 26 décembre dernier, j'ai appris un peu par hasard qu'il se produisait à Tours, au Vinci, pour la sortie de son nouvel album Stratégie de l'inespoir. Ni une ni deux, j'ai réservé ma place au sixième rang pour le 11 octobre. C'est donc avec le plus grand enthousiasme qu'hier soir, je m'y suis rendue, toute surexcitée de réaliser enfin ce rêve de longue haleine.


Je disais ailleurs l'autre jour que je m'intéressais clairement à la scène masculine française (enfin, pas n'importe laquelle non plus), et j'admets tout à fait que ce soit mon truc. J'ai découvert Thiéfaine un peu par hasard, sur l'auto-radio d'une gentille dame qui m'avait prise en stop alors que je partais de chez mes parents de manière plus ou moins anarchique ; je m'étais renseignée sur l'artiste dès mon retour chez moi deux jours après. Par la suite, j'avais découvert assez rapidement la totalité de ses albums, que j'ai rapidement pris le pli d'écouter en boucle jusqu'à m'imprégner de la mélodie ou des textes avec précision. Connaître par coeur la moitié du répertoire s'est d'ailleurs avéré bien utile durant ce concert particulièrement animé.


Cette soirée m'a donc confirmé, si besoin en était, que j'aime énormément Thiéfaine. Il est très agréable de voir la scène représentée autrement que par le prix du billet et un déroulement orchestré au millimètre près. Oui, ceci est une remarque parfaitement généraliste, mais citez-moi plus de cinq artistes qui n'hésitent pas à être parfois dans l'improvisation totale et qui proposent autant de chansons supplémentaires que le public le demande. Vraiment ça fait du bien, vous n'avez pas idée. A ce propos, mention spéciale au manque d'amabilité du personnel du Vinci, m'ayant contrainte de céder mon appareil photo à la consigne sans même un "bonsoir", "s'il vous plaît" ou "bonne soirée" (eh oui, il faut croire que le palais des congrès ne leur refait pas leur éducation) ; sans oublier les vigiles qui rabrouaient systématiquement les spectateurs qui s'agitaient un peu trop sur leur siège au début du spectacle. Tout ceci m'avait passablement enragée et menaçait même de me gâcher un peu le plaisir, mais c'était sans compter sur Thiéfaine lui-même qui, au bout d'un quart d'heure, a demandé à toute la salle de se lever et de chauffer davantage l'ambiance. Et c'est ainsi que j'ai passé la totalité du concert accoudée sur le devant de la scène, juste à côté des enceintes. Autant dire que c'était une vraie tuerie, y compris pour mes oreilles et mes cordes vocales, qui ont été un peu mal en point ce lundi.

On peut raisonnablement dire que les morceaux choisis résumaient plutôt bien la carrière globale de Thiéfaine, les chansons les plus récentes laissant ensuite place à d'autres, plus anciennes, plus méconnues, plus incisives aussi. J'ai eu la bonne surprise d'y redécouvrir des textes que j'apprécie tout particulièrement, et auquel le live a apporté une autre saveur, plus mordante et plus énergique. Ces nouvelles versions ont donc tenu toutes leurs promesses : du bon rock qui tâche, des instants plus mélancoliques, le tout repris par un public au bord de l'hystérie (les tourangeaux n'étant pourtant pas réputés pour leur sens du festif). Et parmi mes petites préférées, nous avons donc eu le droit à :




Comme vous pouvez le constater, nous avons été bien gâtés durant ces 2h30 ininterrompues. Aucune fausseté, jamais, une folie complètement exacerbée et assumée, une originalité qui m'a transcendée tout du long. Du rock incandescent, tranchant et expressif comme j'aime ; une plume parfois révoltée, parfois provocatrice, comme on n'en fait plus vraiment de nos jours. J'ai également été fascinée par la gestuelle assez particulière de Thiéfaine, très marquée, quelquefois un peu étrange, et qui apportait un effet hypnotique supplémentaire à ce qui se déroulait sur scène. Je ne vous cache pas que j'ai été ravie de pouvoir capter tous ces petits détails que je n'aurais pas forcément pu observer de ma place initiale.


J'eus également le plaisir de retrouver dans cette aventure Alice Botté, guitariste et ami de longue date d'Hubert-Félix Thiéfaine. J'avais été transcendée par ses soli interminables durant les live de Bashung (un autre de ses fidèles amis, et un autre de mes chanteurs favoris), et ce fut une très bonne surprise de le retrouver sur scène à quelques mètres de moi, pour profiter pleinement de son talent. J'ai d'ailleurs remarqué une petite similitude entre les orchestrations de Bashung et celles de Thiéfaine, lesquels cultivent ce même côté sombre et ironique, appuyé par la patte assez reconnaissable d'Alice. Celui-ci fut largement ovationné à la fin du concert, tant son énergie folle-dingue irradiait la scène. Le second guitariste qui complétait le trio de tête était le digne fils de Thiéfaine, Lucas, que je n'ai malheureusement pu apercevoir que de loin, puisqu'il se situait à l'autre extrémité du plateau. Ceci dit, cette complicité père/fils très palpable ajoutait un petit bonus à l'ambiance déjà très familiale qui régnait dans la salle entière. J'étais ravie de noter la proximité entre le chanteur et ses instrumentistes, placés directement à côté de lui, et non planqués dans le fond comme lors de la plupart des concerts. Cet ensemble était donc très harmonieux, bien loin de l'idée reçue qui veut que l'artiste renommé éclipse la vedette à ses musiciens. Les interactions avec le public étaient également nombreuses (j'ai trouvé assez fort qu'il se souvienne être passé dans une petite salle de Joué-lès-Tours vingt ans auparavant), ce qui fait que tout à chacun avait véritablement l'impression d'être chez soi, sur une planète à part, presque secrète, simplement partagée le temps d'un concert.


Toute la troupe a fini par nous réserver cinq rappels, et donc cinq chansons supplémentaires pour boucler la soirée, en nous invitant à chanter le morceau que nous souhaitions pour terminer. Si c'est pas génial, ça. Ah vous voulez La fille du coupeur de joint ? Aucun problème. Et puis vous voulez Des adieux en version acoustique ? Très bien, vous l'aurez aussi.


Un grand bravo à Thiéfaine et à toute l'équipe, qui semblaient tous très émus de l'accueil réservé par les jeunes, les moins jeunes, les fans de la première heure et les nouveaux venus. Une belle soirée que je ne risque pas d'oublier de sitôt, et que je risque bien d'avoir envie de revivre à la sortie du prochain album !

mardi 6 octobre 2015

Patrick Jane au pays de l'illusionnisme.

The Mentalist est au moins la cent-millième série basée sur le principe d'une équipe de flics qui résout des enquêtes, "mais c'est pas comme les autres séries parce que l'un des personnages est spécial". Spécial pouvant alors signifier un chien, un ex-criminel, un enfant, un médium, un vampire, un robot, un alien, un nain, un sandwich au tofu, un fantôme, une poule, un texas ranger ou que sais-je encore, le top étant le cumul de qualités, genre une top-model spécialiste en explosifs et en piratage informatique qui sait lire dans les pensées. Ici, Patrick Jane est un mentaliste : c'est un analyste qui utilise un tas de méthodes basées sur l'observation et la psychologie, qui lui permettent de desceller les failles dans le comportement des suspects potentiels. Suite à l'assassinat de sa femme et de sa fille par un serial-killer (Red John), qu'il avait sciemment provoqué devant des millions de téléspectateurs du temps où il se faisait passer pour un médium, il s'engage comme consultant auprès des forces de l'ordre pour pouvoir exécuter sa vengeance personnelle.

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Alors qu'est actuellement diffusée la saison 7, il est de bon ton de vomir sur cette série au sein de la blogosphère. Le reproche qui revient souvent ? C'est bien sûr que ledit mentaliste ait réponse à tout et soit trop bon analyste pour être crédible ; la palme revenant au fameux épisode dans lequel il conduit une voiture les yeux bandés, rien qu'en percevant la nervosité du passager l'accompagnant. Ce qui est du grand n'importe quoi, on est d'accord. On pointe aussi le fait que sans Patrick Jane, le reste de l'équipe semble un peu mou du genou, sans grand intérêt, presque effacée. Pourtant, dans le genre foisonnant des séries policières américaines, The Mentalist n'est certainement pas la plus mauvaise. D'abord, elle se débarrasse de nombreux tics propres au genre : pas de chanson pop pourrie pour conclure les épisodes, pas d'ordinateurs-trouvent-tout émettant des sons improbables, pas d'héroïsme à deux balles et pas de surcharge d'effets spéciaux tout pourris. Le jeu d'acteur est largement correct, même si Simon Baker est largement placé sur le devant de la scène (ce qui n'est pas pour me déplaire, à moi). Mais tout ceci ne serait pas suffisant à en faire une bonne série. Le véritable intérêt réside dans cet anti-héros qui exaspère tant son monde. Par ses réparties insolentes, il égratigne le verni d'amabilité ou de compassion et perce à jour la véritable nature des suspects en recourant à tout un tas de méthodes peu orthodoxes, donnant ainsi un peu de consistance aux personnages secondaires. Jane possède cette faculté de déraper, s'embourber dans des situations les plus cocasses, incarner de multiples névroses et imaginer une infinité de feintes, sans que l'amusement et/ou la curiosité ne retombe. Mais avant tout, il est également un homme de goût : il apprécie Bach, boit du thé à longueur de journée dans une tasse devenue désormais aussi célèbre que son personnage lui-même, voue une passion aux voitures anciennes, déclame des tirades de Shakespeare et fait preuve d'élégance vestimentaire en toutes circonstances. J'éprouve une profonde empathie pour ce personnage brisé, se dissimulant derrière une carapace d'impertinence, railleur comme un enfant. Ce sont la complexité et le dualité de ce personnage qui le rendent si attachants, finalement.

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A vrai dire, le seul gros défaut de cette série selon moi est d'avoir fait traîner en longueur l'enquête sur Red John, qui est revenue durant cinq saisons de manière aléatoire sans jamais se conclure, comme pour rappeler au spectateur qu'il a une bonne raison de regarder la série pour découvrir la carotte au bout. Il est clair que les producteurs ont tendance à vouloir nous retenir en otage pour faire durer le plaisir, alors que l'intrigue principale aurait pu s'achever en deux saisons, trois peut-être. Néanmoins, The Mentalist a tout de même réussi à m'embarquer jusqu'à cet ultime saison, au gré de ses personnages attachants, de ses enquêtes qui fascinent et amusent, de bons acteurs, d'une BO discrète et agréable, d'un mélange d'humour et de drame, d'un bon compromis entre légèreté et psychologie. Lorsqu'on prend The Mentalist pour ce qu'il est, à savoir une série avec laquelle on ne se prend pas la tête, il reste un divertissement honnête. L'ironie, c'est que quand le vilain monsieur s'avère être médecin dans un service de diagnostic improbable, tout le monde trouve ça génial (moi y compris), alors que si c'est un consultant qui résout des enquêtes criminelles, certains vont trouver ça tout nul. Moi j'en dis qu'il y a du favoritisme, et pis c'est tout.

Bref cette série, somme toute modeste, s'est avérée profondément addictive pour moi, et c'est un plaisir de pouvoir continuer l'aventure chaque mardi soir, avant qu'elle ne se termine définitivement dans un mois.

lundi 5 octobre 2015

Sail.

Résultat de recherche d'images pour "schizophrenia art"

Lindsay ouvrit péniblement les yeux, son regard meurtri par les néons artificiels reflétant une lumière feutrée, viciée, privée de tout éclat naturel. Une paupière après l'autre. Elle avait désormais perdu toute notion du temps, ses maigres souvenirs se dissipant en brume indistincte dans sa mémoire encrassée. Il lui semblait que bon nombre de ses perceptions l'avaient définitivement abandonnée, au gré des injections régulières auxquelles elle tendait le bras, machinalement, sans même le plus petit mouvement de recul. C'était donc ça, ne plus être acteur de sa propre vie, ne plus être ce Moi majuscule qui agissait délibérément. C'était étrange, cette indifférence totale, cette absence de ressenti, cet endolorissement permanent des muscles et de la pensée. C'était grisant, aussi, de n'être qu'un fantôme vide de tout, sans consistance, emplie d'un rien apaisant. Elle n'aurait su dire depuis combien de temps elle s'était endormie, les bras entrelacés entre eux, dans cette tenue farfelue qui lui empêchait d'atteindre ses coudes. Les murs capitonnés ne laissaient filtrer que de vagues sons, quelques cris étouffés tout au plus ; elle se croyait presque enfermée dans du coton, dans de la barbe à papa, en plus poussiéreux et moins sucré. Faute de pouvoir se réfugier dans le giron robuste des femmes en blanc, elle se blottissait dans ses propres bras, seule chose que lui permettait encore son étrange accoutrement. Alors, elle s'enlaçait elle-même, dans un mouvement de balancier presque imperceptible, comme pour se rassurer d'une vérité qu'elle était la seule à ne pas comprendre. Et elle avait beau s'agripper à sa propre peau jusqu'à vouloir en lacérer l'épais maillage du tissu, y enfoncer les ongles, rien n'y faisait. Les quelques mots prononcés à demi-voix par les dames blanches derrière l'embrasure de la porte tourbillonnaient sans cesse dans son esprit : « Fais gaffe quand tu rentres, enfin tu sais, c'est la tarée qui a buté son mec. A ce qu'on en dit, c'est vraiment une folle dangereuse, vingt-trois coups de marteau sur le crâne, qu'elle lui a foutu, t'imagines un peu ?. »

La jeune femme était persuadée que la meurtrière en question déambulait dans l'une des chambres voisines, sans doute prête à bondir sur tout ce qui bougeait. Elle se souvenait avoir maintes fois confié ses craintes à l'une des dames blanches teigneuses, qui avait repoussé ses cris d'un simple revers de main, levant les yeux au ciel d'une manière appuyée qu'elle ne comprenait pas. Et elle lui avait fait l'une de ces piqûres dont elle seule avait le secret. Lindsay se sentait certes un peu isolée dans ce quotidien surprotégé, dans cette routine invariable, mais elle s'y sentait globalement bien. Comme elle aurait voulu l'être chez elle. Chez elle … Cette évocation la ramena aux longues soirées de malaise, où elle se démangeait les avant-bras à sang, comme pour évacuer la noirceur amère qui y coulait. Elle ne se rappelait plus vraiment pourquoi elle le faisait, mais elle savait que ça l'apaisait, que ce geste la remettait sur pied, dans une réalité ancrée. Elle regrettait que sa nouvelle tenue attitrée ne lui permette plus de le faire, elle y aurait sans doute trouvé une forme de vitalité qui ne régnait plus ici. Elle s'imagina gratter son épiderme avec énergie, se concentrant pour visualiser la scène, pour se représenter la peau qui rougissait et s'ornait de stries irrégulières. En vain. L'imagination la comblait bien moins que la réalité d'un instant. Il fallait qu'elle songe à réclamer d'autres habits, peut-être même la laisserait-on faire un peu de lèche vitrine, si elle était chanceuse. Ainsi, elle pourrait rentrer en toute quiétude s'adonner à son activité favorite … Elle sourit, sereine, puis se rendormit du juste sommeil d'une sédatée. 


La chambre était désormais plongée dans l'obscurité lorsque Lindsay s'éveilla en sursaut, surprise par des hurlements déchirants, qui fendaient l'air tels des torpilles enragées. Les cris cessèrent dès qu'elle se dressa sur son séant, si bien qu'elle crû un instant les avoir rêvés. Elle mit un moment à réaliser que ce vacarme de tous les diables sortait directement de sa propre gorge, meurtrie après l'effort. Ce cauchemar. Il était revenu. Il était devenu assez courant depuis qu'elle sommeillait dans cette petite pièce sans fenêtre ; le manque d'oxygène sans doute … Elle ne savait jamais le restituer avec précision, mais elle se souvint encore une fois du sourire sarcastique de la mégère blanche lorsqu'elle lui avait raconté. La première chose qu'elle y voyait d'abord était ses doigts gorgés de sang, s'écoulant lentement sur le tapis blanc du salon, celui qu'elle avait mis tant d'énergie à choisir. Enfin, elle imaginait qu'il s'agissait de ses propres mains, puisque l'une d'elles était ornée de la bague de fiançailles que lui avait offert son compagnon pour leur deux ans de vie commune. Ce même compagnon qui était, dans ses visions nocturnes, affalé sur ce même tapis, la tête tournée selon un angle alambiqué, face contre terre, méconnaissable. Et pour cause, tout ce sang … ! Jamais elle n'avait vu pareille boucherie, et l'idée qu'elle puisse simplement l'imaginer la fit frissonner. S'écoulant sur le rebord de la table en formica, giclant contre les murs de briques, formant une mare immense sur le carrelage froid de leur appartement. Elle savait que ces mauvais rêves étaient dus à la présence de cette tueuse cinglée qui se trouvait non loin de sa chambre. Et puis, les dames blanches avaient dû se tromper en affirmant qu'il était mort, c'était impossible ; elles ne l'avaient sûrement dit que pour la blesser. Elle s'aperçut qu'une larme coulait silencieusement sur sa joue, esquissa un geste pour la chasser mais le tissu de la camisole la retint. Elle s'inquiétait tellement pour lui, lui qui était seul depuis son départ ! Son départ vers où, d'ailleurs ? Elle ne savait toujours pas où elle était. Dès demain, elle demanderait à rentrer chez elle, à le retrouver, ils pourraient même partir ensemble vers des contrées lointaines et oublier tout ça. Oh oui, ils le pourraient bien sûr, elle n'imaginait pas les choses autrement. Oh, elle l'aimait tellement, bien plus que raison. Ils auraient alors l'éternité, toute l'éternité ! Apaisée, Lindsay reprit son doux balancier, bercée par ses chimères illusoires et réconfortantes. 

jeudi 24 septembre 2015

Je savais que ce film allait me plaire. A croire que moi aussi, je suis un peu médium sur les bords.

Prémonitions, voilà typiquement le genre de films que je vais voir sans regarder la bande annonce et en lisant le synopsis en travers. Quand j'ai vu qu'Anthony Hopkins campait le rôle d'un médium énigmatique, j'y suis allée les yeux fermés, peu importe la présence de Colin Farrell au casting (je n'y peux rien, j'ai franchement du mal avec cet acteur, même si aucun rôle ne peut être pire que le sien dans Winter's Tale, évidemment). J'ai eu grandement raison, car j'ai passé un excellent moment devant le film d'Alonso Poyart ; bien plus que ceux qui ont eu l'occasion de voir la bande annonce, sûrement (elle vous spoilera à mort, ne la regardez pas, c'est le mal). Et je m'en viens vous spoiler encore un peu plus.


Au début, l'histoire peut paraître assez classique : Joe et Katherine, un duo de policiers, rament un peu face à un tueur énigmatique, si bien qu'ils décident de faire appel à John, un ancien collaborateur à la retraite, reclus à la campagne suite au décès de sa fille et au départ de son épouse. Dans un premier temps, il refuse de les aider, mais se laisse finalement convaincre à l'aide des dossiers présentant les divers meurtres. Mais là où le film diffère un peu des thrillers classiques, c'est que cet enquêteur en réalité médium. En effet, il peut en quelque sorte entrer dans l'esprit du tueur ; c'est ainsi qu'il ne tarde pas à découvrir que le tueur en question est également doté des mêmes capacités divinatoires que lui, rendant les choses légèrement plus compliquées. Le film part donc de ce postulat, on est face à une enquête de police aux accents paranormaux et le tout fonctionne très bien. Ce film est un vrai bon thriller avec une histoire intrigante et prenante, personnellement je n'ai pas vu le temps passer et je n'ai pas trouvé un seul temps mort. La mise en scène est très belle et l'esthétisme du film me plaît tout particulièrement, il a un aspect assez glauque et sombre, notamment dans les scènes de visions médiumniques. Il y a juste certains choix qui m'ont dérangée, comme la façon de filmer, j'ai trouvé à certains moments que la caméra gigotait un peu trop, c'est dommage. 

Pour ce qui est du thème en lui-même, j'ai été franchement emballée. Parce que non, le tueur ne choisit pas ses victimes au hasard, elles sont toutes gravement malades et très souvent en phase terminale. Le film est une sorte de plaidoyer pour l'euthanasie, disons le clairement : le tueur a une vraie motivation pour commettre ses actes, il parle de souffrance, de mort, mais surtout de dignité. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que je préférerais sûrement mourir de cette façon que de passer longuement par l'état légume dans une chambre aseptisée. C'est un sujet que je trouve vraiment intéressant d'un point de vue de la réflexion, sans doute trop peu utilisé et je trouve plutôt original d'aborder ce thème au sein même d'un thriller. De plus, les motivations du tueur trouvent directement écho dans le passé de John, sa fille étant décédée des suites d'une longue maladie ; décidément, ils étaient tous les deux faits pour se rencontrer. A ce propos, la scène finale prend vraiment aux tripes, j'ai apprécié que le film se termine de cette manière, sans pour autant tomber dans cette
mièvrerie insupportable qui accompagne souvent l'idée de mort inévitable.

Bref, un film que j'ai franchement aimé au cinéma et que je me ferai un plaisir de revoir chez moi dans quelques temps. Un sujet fort, quelques surprises réellement agréables (même si j'en attendais peut-être un peu plus en guise de dénouement), des passages très émouvants. Un métrage assez complet pour les amateurs du genre, qui mérite que l'on y jette un coup d'oeil !

jeudi 10 septembre 2015

Pourquoi j'ai cédé à l'appel de l'aiguille.

Si vous consommez de la presse féminine, ou même des hebdomadaires généralistes, vous n'avez raisonnablement pas pu passer à côté de cette information : le tatouage est l'une des grandes modes de notre ère. Encore réservé, il y a quelques années, aux marginaux, aux junkies, aux marins ou aux prisonniers, le tatouage a conquis tous les âges et toutes les classes sociales. Et moi, accessoirement. Je ne vais pas vous faire le numéro de l'étude sociologique, mais simplement vous expliquer pourquoi j'ai moi-même décidé de vivre l'expérience.

Tout d'abord, je ne me suis pas réveillée un matin en me disant soudainement "tiens, et si je me faisais tatouer ?", aussi légèrement je pourrais avoir la lubie d'une nouvelle couleur de cheveux. Voilà deux ans que ce projet me trottait dans la tête, je l'ai mûri assez lentement. J'ai commencé à y penser vraiment plus sérieusement il y a quelques mois. J'ai dessiné un premier modèle, franchi la porte de plusieurs salons, glané divers renseignements sur les normes d'hygiène, les risques, le caractère irréversible et les précautions à prendre, rediscuté de mon croquis de base avec la madame qui s'est gentiment occupée de m'enfoncer une bonne dizaine d'aiguilles dans la peau. Tout ceci a été un cheminement progressif, autant dans l'idée que dans la réalisation actée. Quand j'ai révélé à mon entourage que mon projet était assez avancé, au point d'avoir versé l'acompte et bloqué le rendez-vous, certaines réactions ont été moins enthousiastes que je le pensais, notamment en raison de mes problèmes de peau récurrents. J'avais posé la question des tatouages et piercings assez jeune à différents dermatologues, qui se sont toujours tous avérés contre cette idée. Mais comme me l'avait fait judicieusement remarquer l'une d'entre eux, ils le déconseilleraient à n'importe qui, avec ou sans problèmes de peau. Bref, c'était possible. Je ne tiens pas à inciter les gens à se faire tatouer contre l'avis de leur dermatologue, néanmoins je pense sincèrement que pour un type de peau comme la mienne cela n'est pas moins recommandable que pour une personne au fonctionnement cellulaire ordinaire (la preuve, j'y ai très bien survécu). J'entends par mon type de dermatite une peau très sèche qui se desquame parfois, avec des irritations apparentes, plaies à vif, eczéma, petits abcès ou crevasses auxquelles peu de zones de mon corps parviennent à échapper. Si les squames ne sont pas un problème, la peau ne doit surtout pas être abîmée sur la zone souhaitée du tatouage. Ce qui ne laissait pas grand choix de localisation, dans mon cas. J'ai pourtant choisi purement et simplement de tenter le coup, en ayant recueilli pas mal d'informations à ce sujet, mais en passant outre l'avis médical (pas bien, je sais). Ma motivation déterminée y était sans doute pour beaucoup.

Mais pourquoi diable avoir cédé à cette tendance ? En réalité, je n'ai jamais été très interpellée par les effets de mode ; j'ai donc accompli cette démarche uniquement pour moi-même, indifféremment des nouveaux codes sociaux en vogue. Pour moi, la peau est avant tout la plus belle des toiles à dessin, et la plus authentique aussi, celle qui raconte notre propre histoire de vie. Certes, ma peau est très sensible, mais je suis également très sensible à la peau. Je considère que les émotions passent bien plus dans le toucher, le regard ou la voix que par les paroles en elles-mêmes. Je suis pourtant une grosse introvertie en société, j'ai besoin de préserver mon espace, je n'aime pas la foule, je ne fais généralement pas la bise à mes collègues ni à mes simples connaissances (je ne le refuse pas, mais je ne le ferai pas de moi-même). Par contre, je peux être très tactile avec les gens que je perçois comme proches de moi, et je crois fermement aux vertus thérapeutiques de la peau : un bon massage ou une caresse me remet bien plus d'aplomb qu'un Doliprane. Le tatouage s'inscrit un peu dans cette démarche et y ajouter une dimension esthétique ne me déplaît pas.
Au niveau purement symbolique, j'ai choisi moi-même le motif en dessinant la première ébauche, qui avait un sens tout particulier pour moi. Pour ceux qui n'auraient pas eu le privilège de le voir, il s'agit d'une citation (Art consists of the persistence of memory), surmontée d'une plume bleue autour de laquelle gravitent quatre oiseaux prenant leur envol. La citation en elle-même avait déjà son importance pour moi, puisqu'elle est tirée du roman Misery, dont je suis une grande adepte, comme vous le savez sûrement, et qu'elle fait également écho à un tableau de Dali baptisé La persistance de la mémoire. Quant au dessin l'ornant, il est à mes yeux symbole d'espoir retrouvé, d'une certaine sérénité aussi (encore bien perfectible, mais quand même), d'une envie de prendre mon envol loin de ce qui m'a rongé durant pas mal de temps. Je trouvais que ce croquis me résumait finalement tout à fait : le désir de sublimer les expériences pas forcément réjouissantes par la création (à ma petite échelle). De plus, j'aime cette idée d'avoir le contrôle absolu de mon corps : je me dis que cette fois, c'est moi qui décide ce qui lui arrive. J'ai le sentiment depuis quelques mois d'avoir vraiment accédé à la maturité et à la vie, après avoir trop longtemps survécu en apnée. Plusieurs drames ces dernières années m'ont fait changé ma façon d'appréhender la vie. Je viens enfin d'obtenir ce qui manquait à ce tableau, un succès dans ma première année de formation qui me fera déboucher sur un emploi dans une voie où je me sens enfin à ma place. Alors il m'a paru important, pour toutes ses raisons, de faire un geste qui marquera à tout jamais ce moment où je me suis sentie renaître en dehors du malaise et des angoisses.

Mon tatouage ne ressemble absolument pas à ça, mais ma démarche
s'inscrit totalement dans ce registre.

Au-delà même du dessin, j'avais tout de même conscience que ce n'est pas un acte anodin : mine de rien, c'est quand même une blessure. A trois jours de l'échéance, j'ai connu un moment de doute, en m'observant dans le miroir sous la douche, en me disant que j'allais modifier mon corps de façon irréversible. Que mon dos ne serait plus jamais le même.

La question inévitable : est-ce que ça fait mal ? Honnêtement oui, beaucoup. Après, chacun possède sa propre sensibilité à la douleur (je me classe à peu près dans la moyenne, disons). Si j'ai un bon conseil à vous donner, c'est d'accepter tant bien que mal la douleur, en pensant à la réjouissance qui vous attend en découvrant le travail accompli ! En sortant de la boutique, j'étais mollasse comme ce n'est pas permis, mais dès le lendemain, je me sentais fière, j'avais envie de l'exhiber partout dans la rue en sautillant, j'étais comme une gamine surexcitée au pied d'un sapin de Noël. Ce rendu final était celui dont je rêvais : la tatoueuse avait exactement saisi ce que je voulais, j'étais comblée ! Au moment où j’écris, cela fait bientôt trois semaines que celui-ci orne sagement ma peau. Il est complètement cicatrisé, et je ne m'en lasse pas, malgré quelques retouches non négligeables à faire. Je ne regrette donc pas un seul instant, autant esthétiquement qu'au niveau dermatologique : je n'ai absolument eu aucune allergie, aucune douleur particulière hormis les deux premiers jours, peu de démangeaisons. Après m’avoir lue, vous devez sacrément avoir envie de le voir, ce fameux tatouage. Néanmoins, je préfère ne pas l'exhiber partout sur le net, je ne tiens pas spécialement à ce que celui-ci soit reproductible et se retrouve sur d'autres omoplates que la mienne, à vrai dire. J'aime assez l'idée qu'il soit unique, et je tiens à ce qu'il le reste. Tous les tatoués me disent que c'est une drogue, qu'une fois qu'on y a goûté, on recommence toujours… Il est vrai que j'y songe déjà, mais je souhaite tout d'abord continuer à savourer le premier comme il se doit !


A propos de tatouages, voici une histoire qui m'a plutôt remuée les tripes, celle de Bekah Miles, une adolescente américaine de 20 ans, qui a décidé d'opter pour un idéogramme résumant son combat quotidien contre la dépression. Voici son témoignage :


"Aujourd'hui, je vous dévoile quelque chose que très peu connaissent. Je suis prête à avoir une discussion sur ma maladie mentale. L'an dernier, on m'a diagnostiqué une dépression. Et pour être honnête, je pense que le problème remontait à plus longtemps que ça, mais il était devenu si important que je ne pouvais plus avancer.
Alors aujourd'hui, je me suis fait faire ce tatouage. Je pense que ma jambe était le meilleur endroit pour le sens qu'il y a derrière ce tattoo. Quand tout le monde le voit, ils lisent "Je vais bien", mais de mon point de vue, il se lit "Sauve moi". Pour moi, ça signifie que les autres voient cette personne qui a l'air d'aller bien, mais, qu'en réalité, elle ne va pas bien du tout. Ça me rappelle que les gens qui peuvent avoir l'air d'aller bien, peuvent en fait être en plein combat contre eux-même.
Pour moi, la dépression c'est les jours où je me sens triste sans raison. La dépression, c'est les matins où je suis incapable de sortir du lit. La dépression, c'est dormir trop ou dormir trop peu. La dépression, c'est les devoirs que je n'ai jamais rendu, tout simplement car je ne m'en sentais pas capable. La dépression, c'est quand je m'effondre pour rien du tout. La dépression, c'est manger trop ou manger trop peu. La dépression, c'est les nuits où je me mets à pleurer car je me sens bouleversée, même si tout va bien. La dépression, c'est la boule que j'ai au ventre tout le temps. La dépression, c'est le besoin permanent d'être distraite (d'être sur les réseaux sociaux, de jouer aux jeux vidéo, de regarder un film, une émission, ou de travailler tout le temps) car je ne peux pas faire confiance à mes pensées plus de trois minutes. La dépression, c'est les pleurs car je ne sais pas pourquoi je me sens si inutile, quand je sais que je devrais être heureuse.
C'est l'une des choses les plus difficiles à confier car c'est extrêmement dur pour moi de me sentir vulnérable... Mais je devais en parler. Une maladie mentale c'est sérieux, mais si honteux dans notre société. Nous portons tant d'attention à notre santé physique, mais trop peu à notre état de santé mental. Et c'est un vrai gâchis. Une maladie mentale, ce n'est pas un choix et ça peut toucher tout le monde à un moment de sa vie. Alors, si c'est un si gros problème, pourquoi n'en parlons nous pas?
Voilà pourquoi je me suis fait faire ce tatouage: les tatouages sont parfait pour entamer une discussion. Cela me force à parler de ma lutte intérieure contre la dépression, l'anxiété, ou des autres maladies mentales. Je suis peut-être seule, mais une personne seule peut en sauver une autre... Et c'est tout ce que je demande.
C'est peut-être pour ça que je suis si intéressée par la psychologie. Je veux aider les gens qui se sentent comme je l'ai été - et le suis toujours - car c'est l'enfer. Je ne souhaite ça à personne, conclut Bekah avant de citer Robin Williams qui souffrait lui aussi de dépression: "Je pense que les gens les plus tristes sont ceux qui essaient de rendre les gens le plus heureux, car ils savent ce que c'est de se sentir complètement inutile, sans valeur et ils ne veulent pas que quelqu'un d'autre se sente ainsi."

Un bel exemple de résilience par le biais de l'art corporel ...

lundi 31 août 2015

Burton, vous avez dit Burton ?


Quand on pense à Tim Burton, on pense plus ou moins ceci : "Ah oui, Edward aux mains d'argent, Sleepy Hollow, Batman !" On ne s'attend absolument pas à voir Big Eyes, si bien que j'ai été plutôt décontenancée durant les premières minutes. C'est pourquoi d'après moi ce film mérite que l'on s'y arrête, bien qu'il suscite deux réactions distinctes. La première est celle que j'ai subi tout au début, immédiatement après le générique d'ouverture : "Euh... Burton, c'est le réal' on est d'accord ? Parce que clairement, je vois pas du Burton !" Et c'est bien tout le problème : quand un réalisateur a habitué son public à un certain type de films particuliers, avec une ambiance, une personnalité très marquée, on est déboussolé en voyant une production radicalement distincte. Alors oui, j'ai failli un instant être déçue de Big Eyes parce qu'il n'entre pas vraiment dans l'univers auquel Tim Burton nous a biberonnés. La seconde réaction consiste à se questionner sur le choix de Burton, car oui, il a toujours affirmé avoir une intention personnelle en choisissant de s'investir dans un film. Et si Burton en avait marre de faire du Burton ? Et si, du haut de ses 56 ans, il avait juste envie de faire autre chose ? Je pense que si tel est le cas, c'est un choix artistique qui, s'il peut être exécré ou adulé, doit être respecté. Cette hypothèse de ma part s'appuie sur une chose : le regard que le film porte sur l'artificialité du monde de l'art, sur le non-sens de certaines critiques. Une phrase de Waltz m'a frappé au milieu du film lorsque sa femme ne peint plus les Big Eyes mais ce que l'on pourrait appeler les Slim Bodies : "Tu changes de mouvance." Peut-être justement Tim Burton est-il en train de changer, lui aussi ? Bref, Big Eyes peine à s'imposer comme étant l'un des derniers bon crus Burtonien, et c'est bien dommage, car s'il n'est pas parfait, il n'en demeure pas moins infiniment sincère et touchant.

Burton saisit ici l'opportunité de renouer avec son univers intimiste autour, tout d'abord, d'un budget bien moins conséquent que pour ses précédents travaux, signe d'une liberté créative bien plus importante. Le spectateur y retrouve notamment certaines thématiques chères à Burton. L'histoire d'une personne de talent, aux valeurs morales honorables, incomprise du monde qui l'entoure, telle est celle de Margaret Keane, peintre américaine ayant marqué toute une génération grâce à ses personnages aux grands yeux écarquillés, dépouillée de son expression par un mari manipulateur et ambitieux. Le point fort du film est, selon moi, le duo Amy Adams/Christoph Waltz. Si le titre indique le nom des principales œuvres de Margaret Keane, il reflète également les yeux des acteurs : ceux d'Amy Adams lui donne un air insouciante, naïve, ainsi qu'empreinte d'une certaine poésie ; tandis que ceux de Christoph Waltz rayonnent de malice, malice qui va lui permettre son ascension. Comme dit très justement dans le film, "les yeux sont les miroirs de l'âme", et c'est extrêmement vrai dans ce casting. Tous les acteurs ont un regard différent et très appuyé, qui en dit long sur leur personnalité, à l'image des tableaux représentés.

Tim Burton joue sur les émotions, les réactions de son public en tablant sur un sujet où on ne l'attendait pas. Pourtant, on peut reconnaître ses obsessions. Les portraits aux gros yeux sont un reflet de son propre univers : étant lui-même un fan absolu de cette artiste, il lui avait indirectement rendu hommage dans Les noces funèbres et L'étrange Noël de Mr Jack. Margaret Keane fait également partie de son entourage artistique et personnel, puisqu'il lui avait demandé de peindre successivement deux de ses compagnes, Lisa Marie et Helena Bonham Carter. Un bel hommage à une artiste longtemps incomprise, ainsi qu'à une véritable amie du réalisateur, ce qui donne alors tout son sens au film.

Le fait qu'il choisisse de parler de Margaret Keane nous rappelle ce moment où il décida de parler de Ed Wood : sa passion pour les oubliés d'une société qui évolue en laissant ses génies sur le carreau. Une trame simple et honnête, sans effets superflus et dans laquelle le réalisateur semble y inclure tout l'amour qu'il éprouve pour cette histoire assez méconnue de notre côté. En effet, le film libère une puissance dramatique qui lui est propre, grâce à ce désir de ne jamais jouer sur la surenchère visuelle. Car l'univers de Burton n'est pas que visuel, ce qu'il prouve largement ici. Il sait parfaitement ce qu'il fait et confirme que l'exercice du biopic lui convient à merveille. Sans oublier également la bande son qui rehausse la beauté du film, composée encore et toujours par Danny Elfman, et par une nouvelle arrivante dans l'univers du réalisateur, Lana del Rey :



Finalement, Big Eyes est une véritable déclaration d'amour à l'art, dans laquelle Tim Burton développe avec style et élégance un esprit féministe certain. Il crie au monde la liberté d'expression de tous, éternelle et omniprésente, essentielle à celui qui créé. Tim Burton signe ici un travail abouti et authentique, signe qu'il peut également exceller dans d'autres registres que celui dans lequel il a coutume de s'illustrer.


Quelques travaux de Margaret Keane : 


Ballerina

Margaret Keane

The Freshmen

Jennifer Nicholsonby Margaret Keane.
Jennifer Nicholson, la fille du célèbre Jack.

samedi 1 août 2015

Le petit monde fascinant d'Emilie Autumn.


Il y a des gens qui adhèrent de suite au monde très particulier d'Emilie Autumn. Et d'autres qui, comme moi, ont mis du temps à apprécier sa voix très particulière. Pour être honnête, au début j'étais rebutée. Pourtant, pas mal de mes connaissances en étaient fans, voire même pire que fans, connaissant les chansons par coeur ainsi que le nom de toutes les Bloody Crumpets, les Nymphes du monde d'Emilie. Bref, je n'ai pas tout de suite été touchée par la magie de sa voix : il m'a fallu plusieurs écoutes pour me rendre compte que finalement, j'aimais plutôt bien. Parce ses morceaux déroutants et pour le moins originaux peuvent mettre un certain temps à se faire apprécier, tant cela ne ressemble à rien de ce qui a pu être fait auparavant. En effet, Emilie Autumn a créé son propre style musical, baptisé le "Victorindustrial". Le reste avait déjà mon absolue adoration : l'univers, les costumes (qu'elle fabrique elle-même, ayant par ailleurs son propre site de vente), sa fascination pour l'univers de la psychiatrie, l'ambiance de ses chansons, avec moult tic-tac d'horloges qui sentent bon les greniers poussiéreux, et comment ne pas citer sa virtuosité de violoniste ? Il se trouve qu'en plus de tout cela, elle écrit ; je veux dire, en plus de ses chansons. The Asylum : For Wayward Victorian Girls est une histoire qui raconte sa vie et celle d'une autre femme à l'époque Victorienne, les mettant en scène dans un hôpital psychiatrique. 

Cette artiste me touche également de par son parcours de vie, que je n'échangerai pour rien au monde avec elle. Emilie Autumn est une écorchée vive, atteinte de troubles bipolaires, ayant supporté un avortement, des viols dès l'âge de 6 ans et une tentative de suicide, ayant perdu son père en 2004 et ayant subi un internement forcé quelques mois plus tard. Pourtant elle ne se plaint pas de tout ça, estimant que toutes ces souffrances l'aident à construire son univers, et que l'art lui permet également de surmonter sa douleur quotidienne.

Venez donc vous faire du bien aux ouïes par ici :




Et par là :

mardi 28 juillet 2015

Leo, Kate et Kathy sont dans un bateau ...

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1997, Titanic : 

Ainsi commence l'épopée commune de Leonardo Di Caprio, Kate Winslet et Kathy Bates. 
Selon toute logique scientifique, je suis censée détester "Titanic", parce que j'ai du mal avec tous les films romantiques bien clichés, donc je devrais être émotionnellement inapte à l'appréciation d'un tel film. Littéralement habité par son sujet (le personnage de Bill Paxton peut-être vu d'ailleurs comme l'alter-ego du cinéaste), James Cameron aura mis toutes ses tripes dans ce projet foufou, pari extrêmement risqué et suicidaire dont le tout Hollywood prédisait le naufrage avec une cruelle délectation. La suite, on la connait, un succès fracassant et une pluie de récompenses amplement méritées. Oui, méritées, car, au contraire de beaucoup de blockbusters de l'époque ne tenant désormais plus la distance, Titanic reste tout de même visuellement irréprochable. Car derrière l'histoire d'amour prévisible et calibrée pour les midinettes, Titanic permet surtout à James Cameron d'esquisser un portrait de femme forte, de nous dépeindre l'émancipation d'une jeune femme prisonnière des conventions et de sa condition, simple objet de décoration trônant au milieu d'une société affreusement patriarcale et condescendante. Ceci étant, la première partie du film n'a de valeur que par les bon jeux d'acteurs, les décors et les costumes magnifiques ; je comprends qu'il faille camper le décor et concentrer l'intrigue sur des personnages principaux afin de toucher l'émotion du spectateur, mais l'intrigue amoureuse entre Jack, Rose et son fiancé est incroyablement surréaliste. Passée une première heure et demie placée donc sous le signe du faste et de la romance typiquement hollywoodienne, le film bifurque enfin vers la catastrophe attendue. Un naufrage spectaculaire et plus vrai que nature, immersif et trépidant, mais avant tout teinté d'une fatalité déchirante, le sort des protagonistes nous touchant profondément. L'occasion également pour Cameron d'illustrer une lutte des classes terribles et féroces, parfois allant même jusqu'à l'absurde. Dommage cependant que certains personnages soient aussi tranchés, comme Jack et Cal : l'un est un pauvre au grand coeur, l'autre un sale pourri d'aristocrate. M'ouais, ça manque un peu de profondeur peut-être. En réalité, je suis bien plus touchée par la seconde partie du film. Aujourd'hui, en revoyant Titanic, je regretterai presque que l'histoire soit autant focalisée sur Jack et Rose, laissant de côté d'autres familles, d'autres parents, d'autres époux montrés à l'écran mais trop peu exploités. J'ai notamment été très marquée par la scène où un couple plutôt très âgé est allongé sur le lit, s'enlaçant une dernière fois alors que l'eau s'infiltre sous eux. Cette image fait d'ailleurs partie de la scène où le son s'efface au profit du dernier morceau de l'orchestre (Plus près de toi mon Dieu), qui a joué jusqu'au bout, une scène qui n'a de cesse de m'émouvoir. 
Avec de meilleurs dialogues et un peu plus de crédibilité niveau relationnel entre Jack et la famille de sa dulcinée, le film aurait gagné en profondeur. Mais dans le genre du grand spectacle, ça reste un incontournable, grâce au talent de Cameron.



Kathy Bates incarne ici la pétillante Molly Brown.

Moi, la vraie scène qui me ferait verser des larmes, c'est celle-ci.


2008 : Les Noces Rebelles

Et donc, onze ans plus tard, on reprend l'histoire d'un couple dépeint par Di Caprio et Winslet, on positionne un peu Kathy Bates au milieu et on remet ça. Et vous savez quoi ? J'ai trouvé ce film véritablement bouleversant. Un véritable chef d'oeuvre, et je pèse mes mots.


La trentaine, mariés, deux enfants, du charme et de l'insolence à revendre, et la volonté de ne pas être comme les autres, c'est ce que sont fiers d'afficher Frank et April Wheeler lorsqu'ils s'installent dans leur jolie maison de Revolutionary Road (nom ô combien ironique !). Mais Frank, malgré tout son talent, se retrouve coincé dans un emploi qui le brime, tandis qu'April, femme libre et brillante se voit cantonnée à un rôle de ménagère qui a perdu ses rêves et ses illusions. L'histoire d'un couple lambda, qui pense comme tout un chacun être "exceptionnel", au-dessus de tout ça, et tente désespérément d'affronter le poids de la monotonie et du quotidien laissant peu de place aux ambitions. Ça me semble dingue de n'avoir jamais écrit plus tôt sur ce film, qui pourtant fait pleinement partie de mon ADN cinématographique, comme j'aime tant le dire. Et pour cause, tout me plaît dans ce film. A la fois le fond, la forme, mais aussi le message, si tant est qu'il y en ait un. Alors, pour faire les choses proprement, je vais déjà essayer de les re-situer un peu dans leur contexte. Les Noces Rebelles est donc un film de Sam Mendes, qui reprend le couple phare de Titanic, ainsi que Kathy Bates. De façon un peu rapide, on peut avancer que le film se présente comme une réponse à la question : comment l'histoire aurait-elle pu évoluer si tous deux avaient survécu au naufrage ? L'intrigue se déroule d'ailleurs dans une banlieue new-yorkaise des années 1950 : Sam Mendes cultive un certain second-degré, et j'apprécie ça. Kate Winslet et Leonardo DiCaprio forment ainsi à l'écran un ménage blasé, qui a vu toutes ses beaux projets s'éteindre les uns après les autres, avec les années, en les confinant dans un amas d'habitudes monotones, où chacun reproche à l'autre la tournure qu'a pris leur existence. Ils s'étouffent, se brident, ne se supportent plus, jusqu'au jour où April parvient à ré-insuffler de l'espoir dans leur vie en déterrant un vieux rêve commun : celui d'aller vivre à Paris. D'abord réfractaire face à la nouvelle lubie délirante de sa femme, Frank finit par se laisser gagner par les promesses de ce projet; tous deux convaincus qu'ils parviendront à concrétiser ailleurs, ensemble, ce qu'ils ne sont pas parvenus à devenir ici.
Et j'ai été littéralement happée par les désirs de ces protagonistes, tellement humains. Ils m'ont insupportée parfois, mais je les ai appréciés en même temps : je les ai tellement compris, surtout. Cette femme au foyer aux sautes d'humeur effrayantes, épuisée nerveusement, ne vivant plus qu'à travers ses projections et prête à tous les sacrifices pour sortir de ce cadre, ce rôle dans lequel elle s'est enfermée. Et cet homme de l'autre côté, tellement grisé à l'idée d'entreprendre une vie différente de celle à laquelle il était prédestiné, mais également très vite rattrapé par les doutes, la peur de perdre son confort douillet, allant jusqu'à ignorer le mal-être de sa femme pour ne pas renoncer à sa voie toute tracée. Toute l'ambiance du film vient elle aussi renforcer ce constat amer et tellement sombre, que ce soit dans les décors et la maison totalement aseptisée, ou par le biais des amis (d'une jalousie malsaine à l'égard de cette possible prise de liberté) ou bien encore les voisins, hypocrites et incapables de sortir de leurs relations d'indifférence polie. Un film fort donc, complexe, porté par l'intensité du jeu de son duo d'acteurs, mais aussi l'intelligence de son scénario consistant en une plongée psychologique dans le naufrage vers lequel tend parfois la vie conjugale. La vie à deux, ce n'est pas vraiment simple, et Sam Mendes le montre parfaitement à l'écran. En tout cas, du haut de mes dix-sept ans, ce film avait (entre autres) profondément façonné ma vision du couple, et continue à le faire encore et encore, à chaque visionnage.