jeudi 15 septembre 2016

Misery, une magnifique invitation à l'angoisse.

Celles et ceux qui entendent parler de moi depuis un petit moment ne seront pas surpris, je vais de nouveau aborder le sujet de Misery, mais ce sera décidément une première sur ce blog (vous allez me dire qu'il était grand temps, et je suis bien d'accord avec vous).

  
Certaines histoires s'oublient directement une fois le livre refermé. Mais Misery n'est pas le genre de bouquin ordinaire, et ce n'est pas non plus un Stephen King comme les autres. C'est quelque chose de complètement envoûtant : une angoisse perpétuelle au fil des pages tournées, alors que l'intrigue nous empoigne pour nous traîner dans une bonne grosse angoisse qui retourne les tripes.

En quelques mots, Paul Sheldon est un écrivain à succès, devant essentiellement sa notoriété à Misery Chastain, son héroïne de romans fantastiques à l'eau de rose. Lassé, il décide alors de tuer son personnage phare, et se lance dans l'écriture d'un autre roman, plus marginal, plus dramatique et plus moderne, intitulé Fast Cars.  Alors qu'il quitte l'hôtel dans lequel il s'exile habituellement pour écrire, son nouveau manuscrit déjà est bouclé ; mais chez King, rien ne se déroule jamais vraiment comme dans le meilleur des mondes. A cause d'une tempête et d'un excès d'alcool, c'est l'accident. Les deux jambes broyées, il est secouru par Annie Wilkes, ancienne infirmière, et accessoirement fan numéro un de son héroïne Misery Chastain. Tout dérape franchement après sa lecture du dernier tome des aventures de Misery et celle du prochain roman de Paul, qu'elle ne trouve pas spécialement à son goût, c'est le moins que l'on puisse dire. Et sa folie furieuse bien enfouie ne tarde pas à se déchaîner de façon assez spectaculaire, ne laissant plus qu'un choix à son captif : faire renaître Misery de ses cendres pour avoir une chance de survivre.

Je me souviens encore de ma première lecture, durant laquelle je passais le plus clair de mon temps à me planquer sous la couverture, sans pour autant résister au plaisir de tourner les pages une à une. D'autant que ce livre est quand même parfois très drôle (mais non, ne partez pas si vite, m'enfin !) : si on compatit évidemment avec le prisonnier, son humour décalé reste irrésistible dans bon nombre d'occasions. Il n'y a pas d'artifices surnaturels ou autres petits extraterrestres ici, simplement un huis clos complètement malsain sur fond de fanatisme hystérique, capable de tout détruire sur son passage. Ce bouquin illustre parfaitement le syndrome de Stockholm puisqu'indirectement, Annie va parfois contribuer au bonheur de Paul et susciter chez lui une certaine forme de reconnaissance. Pour vous servir une métaphore très à propos, je trouve que Misery est un peu comme un couteau qu'on vous planterait en plein cœur et qu'on s'amuserait à faire tourner et retourner sans répit. Et j'aime ça (mais chacun ses problèmes). En fait, je ne saurais même pas expliquer de façon construite pourquoi cette histoire me fascine totalement, et j'ai bien conscience de manquer cruellement d'objectivité sur le sujet.

Oui voilà, et la plus grande fan de Misery, c'est moi. Rassurant, n'est-il pas ?

A vrai dire, je me doute bien que le roman est écrit de telle sorte à ce qu'on ressente une forte empathie pour ce pauvre Paul séquestré et malmené, j'ai bien compris l'intérêt de l'intrigue depuis le temps que je me vautre dedans, mais je me suis surtout attachée au personnage d'Annie Wilkes, presque instinctivement. Certes, c'est quand même une grande malade, mais elle a cette folie et cette rage enfouie que tout excuse. Face aux contrariétés, progressivement, elle commence à devenir complètement givrée. Tantôt lucide, elle se perd au fil du temps dans un monde imaginaire qui ne tolère aucune imperfection : l'auteur qu'elle chérit doit s'exprimer correctement, il doit également écrire l'oeuvre dont elle rêve. Puis, tant qu'à faire, il doit devenir l'homme idéal, une illusion à laquelle elle s'accrochera coûte que coûte. Et surtout, elle restera persuadée, jusqu'à la toute fin, de n'avoir fait tous ces sacrifices que par altruisme envers l'homme qu'elle aime. A la foi victime de sa maladie et bourreau, le personnage d'Annie est tout simplement bouleversante. Avouez que ça change un peu de toutes ces gentilles filles larmoyantes dont on nous gave jusqu'à l'indigestion.

"Il vit ses yeux qui le foudroyaient s'agrandir encore, maintenant pleins de surprise, d'horreur et d'une souffrance nouvelle. [...] Qu'est-ce qui est arrivé, Paul ? Je vous apportais du champagne, pourtant ..."

J'ai également beaucoup aimé les quelques références à la Reine de Cœur imaginée par Lewis Carroll dans Alice aux pays des merveilles, ça m'a fait plaisir que Stephen King pense à un autre de mes personnages préférés (je suis sûre qu'il l'a fait exprès, pas vous ? Non ? Bon bon, d'accord ...)

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Stephen King est sans doute l'auteur (vivant) le plus adapté au cinéma, et on y trouve un peu de tout : des chefs d'œuvre, des films passables et des gros ratés (et encore, je reste à peu près diplomate, notamment en ce qui concerne Ça, qui est pour moi un flop total). Dans la première catégorie, on retrouve donc le fameux Misery de Rob Reiner, porté par une réalisation au top et des acteurs génialissimes. L'adaptation n'atteint pas la richesse flippante du roman, mais on aurait vraiment tort de bouder notre plaisir pour autant.

Il y a très peu d'ambiance sonore dans ce film, mais la bande son est propre, soignée et colle parfaitement aux scènes qu'elle vient illustrer. Le huis-clos se suffit presque à lui seul pour me donner une sensation de claustrophobie (agréable, cette fois) derrière mon écran. On frissonne avec Paul, on découvre la truie de compagnie d'Annie sous ses yeux ébahis, on se rue avec lui sur notre fauteuil roulant pour éviter qu'elle nous surprenne à son retour de courses. Bref une totale immersion, comme si on était, nous aussi, happé dans cette maison perdue au milieu de nulle part. Et on s'en réjouit grandement. Je trouve que le duo Kathy Bates / James Caan insuffle à cette histoire (simple, mais jamais simpliste) une véritable dynamique, qui semblait pourtant impossible à adapter à l'écran. Très sincèrement, James Caan est parfait en pauvre homme frustré, ni courageux ni lâche, qui tentera toutes les supercheries imaginables pour s'enfuir, mais à mon sens Kathy Bates lui vole complètement la vedette. Mais si, je suis sûre que vous connaissez Kathy Bates, au moins de nom ! Sa filmographie est très, très, trèèès impressionnante, et parmi la vague de prix que la dame a raflé, on y retrouve l'Oscar et le Golden Globe de la meilleure actrice pour Misery. Et croyez-moi, cette récompense est amplement méritée. D'ailleurs, elle s'apprête également à figurer (enfin !) au très célèbre panthéon du Walk Of Fame, ce 20 septembre. Et j'en suis ravie, vous vous en doutez bien, étant donné qu'elle fait partie de mes très rares actrices favorites.

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Ce film, sans effets spéciaux et sans hémoglobine à tout-va, est un brillant thriller psychologique que j'adore regarder de temps en temps, même s'il n'égale pas complètement le roman. Une ambiance pesante, une infirmière complètement tarée et amoureuse de son écrivain séquestré, un suspense plutôt intense et des musiques savamment dosées, font de ce film une véritable perle. Par contre, le DVD classique est très pauvre, pas la peine de chercher deux plombes, il n'y a absolument que dalle. Je vous conseille donc de vous tourner plutôt vers l'édition collector (qui offre des bonus très intéressants). J'ai aimé découvrir la bande-annonce qui avait été diffusée à l'époque, en plus du making-off et des interview : un petit plaisir supplémentaire pour découvrir ou redécouvrir cette adaptation très réussie.

5 commentaires:

  1. Autant j'aime le film (bon beaucoup moins que toi c'est clair ;-) autant comme tu le sais j'ai assez vite abandonné le livre à cause du style. Pour Annie je pense qu'il aurait fallu en savoir plus sur son passé (et pas seulement sur ses crimes) pour que j'éprouve vraiment de l'empathie en tout cas dans le film cela manque pour qu'on la voit autrement que comme une femme binaire, imprévisible et donc dangereuse. En tout cas bravo pour cet article effectivement indispensable sur ce blog !

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  2. tres bon article.. meme si je n'ai pas vraiment aime ce roman, on voit toute la passion que tu as! c'est de la que vient ton pseudo?

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  3. Quelle passionnée! Tu as mis dans cet article fort bien ficelé toute ta passion et ton coeur sans oublier les traits d'humour te caractérisant fort bien.
    Je suis scotchée par ton talent.
    Au plaisir de te lire à nouveau.

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    1. Merci beaucoup, au plaisir également de te revoir par ici pour de nouvelles aventures. ;)

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