mercredi 12 octobre 2016

Cézanne et moi, de Danièle Thompson.

Il faut que vous sachiez que je suis actuellement dans ma période salles obscures, comme à peu près tous les ans dès l'arrivée de l'automne. En plus d'être ma saison préférée, elle offre souvent un bol d'air frais culturel entre les vacances d'été et celles de Noël (et ce n'est pas du luxe, voyez-vous). Du coup, j'ai découvert ce matin Cézanne et moi, un biopic qui retrace l'une des amitiés les plus célèbres de l'histoire. 

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En résumé, Cézanne et Zola se sont rencontrés à Aix-en-Provence alors qu'ils étaient encore au collège : le premier venant d'une famille plutôt bourgeoise et n'ayant peur de rien, le deuxième étant un petit italien persécuté par les autres élèves. Très vite une amitié se noue entre les deux adolescents, devenus inséparables. Quelques années plus tard, ils décident de partir à la conquête de Paris, des rêves de gloire et de reconnaissance plein la tête. Zola se fait rapidement repérer par les grands noms de la littérature, et même si les gardiens de la bonne morale s'en insurgeront très souvent, il rencontrera un succès fulgurant tout au long de sa vie. Cézanne, en revanche, ne fera parler de lui qu'à titre posthume, ce qui achèvera de titiller son amour propre et sa haine du monde entier. Petit à petit, il se voit fermer toutes les portes : celles des Beaux-Arts, des salons, des musées, de la société, de ses amis. Zola lui-même n'aimait d'ailleurs pas réellement sa peinture, mais s'efforçait de le lui faire croire, par gentillesse (un peu) et par pitié (beaucoup). Après des années de non-dits, les deux hommes ont définitivement coupé les ponts lorsque Zola a fait paraître L'Oeuvre, récit de la vie d'un peintre raté et obsessionnel (directement inspiré de Cézanne de manière totalement décomplexée, tranquille et sans pression), mettant ainsi un terme à quarante ans d'amitié.

En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé les thématiques abordées : l'amitié, l'art, les souffrances de la créativité, les douleurs de la vie, le rejet de ses origines, le jugement et la trahison. Cette histoire torturée et un peu sombre (à l'image d'Yves Saint-Laurent de Jalil Lespert) est portée à l'écran par un duo d'acteurs excellent. Guillaume Gallienne crève littéralement l'écran, explorant à fond cette personnalité complexe, parfois même à la limite du survoltage. Il est réellement habité par son personnage, volcanique, incompris, capricieux et blessé, sans cesse à la recherche de l'approbation de son ami. 

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Mais Guillaume Canet n'est pas à la traîne pour autant, et incarne avec justesse un Zola courtois, respectueux et coincé dans un quotidien très planplan. Le succès n'arrivant jamais seul, il devient progressivement plus distant, voire parfois condescendant, jusqu'à incarner lui-même une image de la bourgeoisie qu'il dénonçait haut et fort. Une indignation beaucoup moins glorieuse que sur papier, c'est le moins qu'on puisse dire.

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Une fois le décor planté, Cézanne et moi devient une comparaison continuelle entre les deux amis : l'un a du succès, l'autre non ; l'un n'a besoin que d'une seule femme dans sa vie et l'autre copule à tout va, l'un est calme et l'autre colérique. Finalement, cette approche linéaire ne m'a pas fait ressentir autant d'émotion que je l'aurais voulu. Quand j'y pense après coup, ces deux personnalités, pourtant intéressantes, sont cantonnées à des disputes, des jalousies et de vagues histoires de cul. Heureusement, on a aussi droit à quelques discours sur l'art, mais ça reste assez limité dans le temps. Les hostilités se sont surtout déclenchées à partir de la publication de L'Oeuvre, et si vous avez lu ce bouquin, vous comprendrez malheureusement bien vite où le scénario veut en venir. A un moment donné, j'ai eu l'impression que le film était à la fois un biopic et une adaptation du roman, j'ai été un peu déstabilisée, on dirait que le but était de faire un deux en un. On pourrait également citer l'interprétation d'Alice Pol qui semble s'être trompée d'époque, son personnage est totalement anachronique (autant dans le vocabulaire employé que dans la gestuelle ou le comportement), sans parler des mains des acteurs principaux, qui n'ont été vieillies à aucun moment alors qu'ils arborent des rides et des bedaines rebondies de soixantenaires. Le gros détail qui tue.

Cela dit, malgré quelques longueurs, je ne me suis globalement pas ennuyée et j'ai trouvé l'histoire touchante. Le sens esthétique, la mise en scène, les interprétations magistrales des deux Guillaume et le travail colossal des maquilleurs méritent d'être salués et contribuent grandement à la qualité du film. Pour toutes ces raisons, je vous conseille d'y jeter un coup d'œil, même s'il n'est pas forcément vital de le découvrir sur grand écran pour l'apprécier.

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